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Une journée ordinaire

Un oeil ouvert dans la pénombre matinale. Encore 5 minutes avant que l’iPhone ne lance la « marimba » matinale. Autant l’éteindre, je suis réveillé. Petit tour à la salle de bains, et petite canette de Nescafé glacé achetée au Seven/Eleven hier soir. Ca passe bien sur la terrasse en regardant les bateaux de pêche partir dans la baie. Bon, il faut que je mette mon costume de travail : un caleçon de bain et le t-shirt frappé aux armes du centre de plongée, cela fait toujours pro de respecter le « dress code ». Je saute sur ma moto, et fait bien attention d’éviter les chiens endormis dans les trous du chemin en allant au centre de plongée.

Je parque ma brêle dans un coin en laissant les clés dessus, inutile de s’encombrer. Les matinaux sont déjà là, les sandwiches à l’oeuf (so british !) sont en cours de fabrication, et coup d’oeil au planning du jour pour voir ce qu’il se passe. On part pour Sail Rock, quelques plongeurs sont prévus, et quelques cours continuent aujourd’hui. Je passe dans la salle du matériel récupérer mon équipement qui sent bon le latex mariné dans l’eau de mer, et vais charger les bouteilles dans la remorque. Déjà les premiers clients arrivent. Il y a un peu toutes les nationalités : anglais, allemands, australiens, coréens, japonais, autrichiens, etc. Tout le monde parle l’anglais qu’il peut, les accents trahissent les origines. Après un café (chaud cette fois-ci), c’est départ pour le port, agrippé sur le 4×4 qui trimballe les bouteilles et les sacs. L’équipage thai du bateau donne un coup de main pour charger (en plaisantant en langue des signes), et c’est le départ à bord du bateau. Certains clients sont nerveux, ils vont plonger pour la 1ere fois, d’autres sont plus calmes, d’autres encore sont malades, sujets au mal de mer… malgré la nautamine, pas de chance !

Après une petite heure de navigation et le briefing de plongée, c’est enfin le monde du silence. Que le bruit de sa propre respiration et de ses propres bulles. Les poissons font leur farandole sur fond d’azur ou marine, selon l’angle de vue… Cela me fait chaque fois penser qu’ils sont chez eux, et pas nous, qui pouvons certes grâce à notre technologie s’inviter dans leur domaine pour quelques instants, mais qui devons finalement rejoindre le monde aérien, ou l’on sent à nouveau son poids, et où la troisième dimension redevient à nouveau hors d’atteinte. Alors on compense les sensations physiques que l’on vient d’éprouver en ayant des échanges verbaux « intelligents » : « Comment c’était ? », « As-tu vu la murène à 15 m ? »… Personne n’écoute vraiment les réponses et tout le monde a le sourire : nous sommes tous des privilégiés d’avoir communié pour un instant dans le monde du silence, et nous en avons tous conscience, indépendamment du niveau de chacun, que ce soit sa 1ere plongée ou sa 527ième.

Deuxième plongée ensuite, jamais la même de toute façon, même s’il s’agit du même site. La lumière change, et en fonction de son humeur ou de ce que l’on a entendu sur le bateau, on va plus se focaliser sur un aspect. On connait un peu mieux ses partenaires et l’on va adapter le profil en conséquence. Et on découvre plein d’autres choses que l’on avait pas remarquées la plongée précédente. Finalement, il faut à nouveau sortir, re-verbaliser les sensations, même si tout le monde comprend sans devoir forcément s’exprimer. C’est social aussi : on cause parce que l’on ne va pas rester tout seul dans son coin à rêvasser.

Et puis c’est le retour, les corvées de transbordement, de rinçage d’équipement et de « loggage » des plongées. Cela se termine généralement au bar, où le monde de la surface reprend finalement le dessus. On s’est tous enrichi d’une journée comme celle-ci, mais on sait très bien que c’est difficile d’intégrer cette expérience dans un quotidien traditionnel. Bien que ce soit un expérience intérieure incroyablement riche, on ne parlera que des anectodes futiles mais socialement admises en surface. Qu’importe, on sait tous ce qui est important dans tout ça…

Tiens, ce ne seraient pas des branchies qui sont en train de me pousser là sur le cou ?