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Motivations

L’excellent article de nakan sur ses motivations quant à la participation à son triathlon m’a amené à me poser les mêmes questions sur les miennes. Qu’est-ce qui a fait que moi, petit Combier d’origine émigré à Genève, ai décidé à plus de 43 ans de quitter les rails biens huilés de mon quotidien pour tenter de devenir instructeur de plongée en Thaïlande ? Les éléments de réponses sont multiples.

Premièrement, pourquoi la Thaïlande ? Et bien non, ce n’est pas parce qu’il y a pleins de filles qui jouent au ping-pong dans les bars spécialisés de Patpong que je suis venu ici. J’aime profondément la philosophie des gens qui vivent ici. Le bouddhisme y est certainement pour quelque chose, mais il y a une tolérance ici que j’ai rarement vue dans d’autres cultures. D’aucuns diront peut-être que c’est hypocrite, mais finalement c’est effectif. Et de toutes façons, je n’ai pas la prétention de comprendre jamais une culture aussi riche et complexe.

Deuxièmement, il y a la plongée. J’ai usé mes fonds de culottes sur les bancs d’école, collège et université pendant des années, mais je n’ai jamais cultivé mon corps comme je l’ai fait pour mon esprit. Alors bien sûr, j’aurais pu faire du triathlon comme Nakan, mais je ne voulais pas le rendre ridicule, et puis cela aurait deux blogs sur le même sujet, cela aurait été dommage ! Plus sérieusement, la plongée, j’ai découvert ça sur le tard, et il m’a fallu un bon moment pour crocher vraiment, mais les sensations physiques qu’on y ressent sont devenues une véritable addiction maintenant. En effet, pour un petit gros complexé, avoir une telle maîtrise de sa motricité dans l’eau (et dans 3 dimensions en plus), c’est une véritable découverte. Et en plus on peut picoler le soir et maigrir en même temps; cela devrait être remboursé par les caisses maladie ! Et le déclic final a été le Divemaster l’année passée : j’ai vu que je pouvais être bon dans une discipline physique, et ça c’était vraiment nouveau pour moi. Et entre nous, passer ses journées à reluquer des filles (bon d’accord, des mecs aussi) en bikini sous l’eau, c’est tout de même plus agréable que d’être assis derrière un écran d’ordinateur…

Troisièmement, il y avait le boulot à la TSR. Autant c’était génial, passionnant et prometteur les premières années, autant c’est devenu catastrophique sur la fin : tâches ingrates, ambiance pourrie (sauf avec les collègues, je précise), perspectives d’avenir nulles. Je me suis rendu compte que ce que je faisais ne me plaisait plus et que je restais par commodité et par inertie. J’aurais pu attendre la retraite comme ça jusqu’en 2034 (véridique !), quel bel avenir…

Bien sûr, je ne suis pas dupe, je sais bien que la période actuelle est relativement facile : je prépare mon instructorat, je plonge, je bricole un peu l’informatique au centre de plongée, mais je vis pour le moment sur mes réserves financières. Il faudra voir à terme comme je m’en sors de ce côté là. Et puis il y a les 1012 tracasseries à traiter lorsque mon épouse va me rejoindre : que faire de la maison, des chats, des vieux parents… sans parler des permis de travail et visas thaïs. On se prépare encore quelques cheveux blancs, mais comme disait à raison Aznavour : « la misère est moins dure au soleil »…

Sailrock divers

Bon, sur Solarie j’ai passé plus de 6 ans à parler de mon boulot à la téloche, il n’y a pas de raison pour que je ne continue pas maintenant dans ma nouvelle orientation. Pour le moment, je travaille comme Divemaster à Sailrock divers. Cela veut dire que j’assiste les instructeurs, et que je guide les plongeurs lors des sorties. C’est le premier échelon de la hiérarchie quasi militaire dans le monde PADI (= Professional Association of Diving Instructors). Le but à court terme étant évidemment de devenir instructeur, ce qui devrait arriver d’ici un mois, à condition que je passe les examens avec succès.

L’endroit est très chouette. Bien sûr, on est sous les tropiques, et le climat est légèrement plus chaud. Ces jours, cela oscille entre 28 et 36° avec la mer autour de 31°. Le cadre de travail, cela ressemble à ça :

Le centre est tenu par un couple de Britanniques, que j’avais eu l’occasion de rencontrer en Egypte il y a quelques années. Ils ont ouvert leur propre centre en 2007, et sont devenu depuis l’un des plus importants de la région. L’ambiance assez internationale, mais à majorité anglo-saxonne. C’est là où j’ai peut-être ma carte à jouer pour prendre en charge les hôtes francophones. Pour le moment, c’est la basse saison et il n’y a pas foule, mais les hordes Gauloises devraient déferler sur l’île pile poil au moment où j’aurai terminé mon instructorat, avec un peu de chance…

Côté logement, j’ai pour le moment choisi la facilité et me suis loué un bungalow dans le centre de plongée même. Je peux me lever 10 minutes avant de commencer à bosser sans arriver en retard ! Voici ma maison, vue depuis le centre :

Tout comfort, TV, air conditionné, cuisine équipée. Mais bon, ce n’est que temporaire, car il va falloir réduire les frais si je veux m’en sortir sans taper dans les réserves fédérales…

Suivez le guide

Depuis une petite semaine, je suis donc devenu un plongeur professionnel. Et comme dans « professionnel » il y a « profession », il était donc normal que j’exerce ma nouvelle activité. D’ailleurs, dans le tableau du planning des plongées, j’ai maintenant changé de colonne :

Je suis maintenant dans la colonne « INST », pour « instructeur ». Bon, je ne suis que Divemaster et non pas (encore ?) instructeur, mais le fait est qu’il fait partie de mes prérogatives de guider les plongeurs faisant des « fun dives ». Et depuis quelques jours, j’enchaîne les plongées avec mes clients.

Chose amusante, j’ai l’impression d’avoir plus de responsabilités ici en faisant mon guidage qu’au bureau dans la Grande Maison où je ne peux donner que des avis techniques dont tout le monde se moque. Ici en revanche, la prise de décision m’incombe exclusivement et doit être immédiate. Et elle peut être lourde de conséquences; il faut gérer les courants, la dérive, le matériel, la condition physique de chacun, les consommations d’air individuelles, les points d’entrée et de sortie, faire face aux problèmes éventuels et faire en sorte aussi que les plongeurs voient des choses intéressantes et dans de bonnes conditions.

La seule chose qui ne me change pas du rôle de Grand Inquisiteur du bureau, c’est que là aussi je dois faire le flic pour ceux qui vont trop profond, qui ne me suivent pas ou qui ne font pas ce que j’ai dit… La différence, c’est qu’ici je peux (et dois) intervenir, et qu’une bonne remontée de bretelles en langue des signes à 20 m de fond est généralement très efficace.

Grisant, un tel pouvoir !

The final

Avant-hier soir, c’était mon « final », c’est-à-dire la soirée qui clôture le cursus du Divemaster. Il y a évidemment un petit bizutage prévu dans l’histoire, on est entre gens sérieux ! Je m’attendais au pire, car j’avais entendu les pires horreurs sur le sujet, et la version la plus plausible consistait un boire une mixture fortement alcoolisée à travers un tuba tout en portant un masque (cela s’appelle le « snorkle test »). J’ai même lu que certaines fois la mixture contenait des substances sympathiques et variées, allant des piments au viagra en passant par l’extasy et le valium…

En fait, j’ai eu une version beaucoup plus sympathique : une jarre (environ 1/2 litre) de bière, tequila, vodka et je ne sais pas trop quoi d’autre qui donnait à la mixture une étonnante couleur brun-vert, non sans rappeller la teinte de l’eau de mer en plongée passé 35 m… Mais le goût n’était franchement pas mauvais.
Pour que le « final » soit réussi, il faut évidemment tout boire d’un trait à travers un tuyau, à genoux sur le sol tandis que l’instructeur verse la mixture dans un entonnoir fixé à l’autre extrémité du tube, et que la foule enthousiaste prodigue des encouragements. Et bien là aussi, je me suis distingué : épreuve brillamment passée, même si j’ai reversé un peu sur mon pantalon et ma chemise (la seule que j’ai prise avec moi !). Mon instructrice m’a alors avoué qu’elle était encore plus nerveuse que moi, car j’ai été son premier Divemaster et que c’est la 1ère fois qu’elle faisait passer un final !

J’ai également reçu en cadeau un joli pendentif en argent pour fêter mon entrée dans le cercle des plongeurs professionnels :

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Après tout le monde m’a encore offert des tournées, et je ne rappelle pas très clairement la fin de la soirée… Renseignements pris le lendemain, je me suis apparemment mis à danser sur les tables, mais je ne me suis pas mis tout nu ni n’ai déclamé La Venoge. Et par chance, tout le monde était à peu près au même niveau d’éthylisme et personne n’a eu la présence d’esprit de prendre des photos. Dans un dernier sursaut de conscience, j’ai laissé ma moto et suis rentré à pieds, même si je ne sais pas trop par où je suis passé car j’avais les bas de pantalons mouillés le lendemain matin…

Bon, il faut que j’aille renouveler mon stock d’Alca Seltzer.

Le pro

Et bien voila, quatre semaines plus tard :

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J’ai enfin la réponse à mon existantielle question :

Le geek sur le retour est définitivement soluble dans l’eau de mer !

Le bleu foncé

Selon le hasard des fréquentations, notre club de plongée fait parfois bateau commun avec le club voisin. Cela permet d’économiser sur la logistique, tout en gardant un bon niveau de prestations. C’est aussi l’occasion de rencontrer d’autres plongeurs et de sympathiser entre membres du staff de différents club.

Cela je ne le savais pas lorsque j’étais un bleu et que je me suis cassé le dos à trimballer des bouteilles avant d’être relevé par la petite minette de 18 ans et 40 kg. Et bien hier, j’ai lavé l’affront : la même minette était avec nous sur le bateau, et lors du transvasage final au port, elle a dû s’arrêter de passer les bouteilles tellement elle n’en pouvait plus. Alors votre serviteur est apparu, le muscle saillant, et je l’ai écarté d’un geste paternaliste : « Take a rest, I will do it. » Je ne sais pas si elle s’est rappelé l’épisode d’il y a quelques semaines, mais moi, ça m’a fait un bien fou !

Ça avance…

Cela fait exactement deux semaines que j’ai commencé ma formation de Divemaster. Ça avance pas trop mal :

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La théorie, c’est allé assez vite : deux coches par jour en moyenne. Mais bon, depuis que je sais lire j’ai passé mon temps à potasser des bouquins, ce n’est pas la partie qui m’inquiétait le plus. Les coches du bas sont plus dures; il s’agit des « skills » pratiques et certains (comme le guidage ou le circuit de démonstrations) prennent facilement plusieurs jours.

J’ai en outre passé avec succès le « stress test » (qui s’appelle d’ailleurs maintenant plus diplomatiquement « equipment exchange »), qui consiste à échanger avec un camarade tout son matériel (sauf le slip de bain !) sous l’eau en respiration alternée sur un seul détendeur. C’est généralement le plus redouté, et il a passé chez moi comme une lettre à la poste, note maximale s’il vous plaît!

Le geek sur le retour serait-il finalement soluble dans l’eau de mer ? Réponse définitive bientôt !

A la corde

Quand on commence à plonger à travers le monde, on est en temps que plongeur novice très impressionné par le Divemaster qui saute à l’eau en premier pour aller descendre la corde pour ancrer le bateau ou servir de référence. Il s’équipe tout seul, empoigne ses palmes d’un geste viril, et saute à l’eau avant tout le monde, tout seul, la corde entre les dents (enfin c’est une image, car il a tout de même son détendeur en bouche !). Il réapparait quelques minutes plus tard, et la voie est ouverte poir les plongeurs amateurs que nous sommes.

Et bien aujourd’hui pour la première fois de ma vie, c’est moi qui ait accompli cette tâche ô combien glorieuse. Bon d’accord, le geste était peut-être un peu moins viril et assuré que je le voulais, et j’ai laissé un peu trop de mou à la corde, mais n’empêche, je l’ai quand même fait !

Par contre, j’ai vu quand je suis allé la rechercher en fin plongée que le noeud était beaucoup mieux fait que ce qu’il m’avait semblé avoir effectué. Je n’ai appris que plus tard que mon instructrice l’avais refait en douce, sans rien me dire. Ce n’est pas de la pédagogie, ça ?

Le bleu

Quand on a un certain âge, voire un âge certain, on vit généralement dans un environnement que l’on maitrise. Ceci est particulièrement vrai dans la sphère professionnelle : 10 ans de boîte, je connais les ficelles de la maison comme celles de mon noble métier.
Or voila que depuis quelques semaines, je suis devenu un bleu. Oui, à 42 ans, j’en sais moins que les petits jeunes de 20 ans mes cadets qui ont choisi une voie différente. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela représente une expérience intéressante. Même si personne ne m’a encore collé une claque derrière la tête, il est clair que je suis un bleu dans le domaine de la plongée professionnelle.

Premièrement, il y a le côté physique. L’IT développe peut-être l’esprit (encore que je sois pas totalement sûr !), mais pas le corps. Et ce que l’on excuse et oublie facilement dans notre monde se rappelle très rapidement et douloureusement ici : j’ai mal presque partout, surtout lorsqu’il faut trimbaler des bouteilles de plongée. Le soir, c’est tartinage au beaume du tigre dans l’espoir d’apaiser un peu les courbatures.
Deuxièmement, il y a les compétences professionnelles. Tout le monde sait tout mieux que moi. Cela va depuis où se trouvent les sangles de rechange jusqu’à dans quel ordre doivent se pratiquer les skills. Il faut toujours enfiler la robe de bure et les sandales pour demander de l’aide sur un sujet que l’on est sensé connaître.
Troisièmement, il y a les petits « tours » que l’on joue traditionnellement aux bleus; personne ne m’a encore demandé d’aller chercher le marteau à bomber le verre ou la bulle de rechange pour le niveau d’eau, mais ce genre de gag passe mieux à 18 ans qu’à 40 passé.
Et finalement, et peut-être le plus difficile, c’est de se rendre compte que toutes les compétences que l’on a ne servent à rien. En effet, depuis que je suis là, je n’ai pas vu l’ombre d’un firewall à configurer où d’un accés VPN à mettre en place…

Mais entre nous quelle occasion rare, et quel bien ça fait de devoir se remettre un peu en question. Je pense que c’est ça, le secret de l’éternelle jeunesse ! Rappelez-le moi si jamais je deviens un vieux con…

C’est parti !

Hé oui, premier jour d’entraînement :

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Et va falloir embrayer : j’ai un peu moins de six semaines pour mettre des croix partout !